A l’époque des constructions de cathédrales, les tailleurs de pierre étaient des professionnels de l’amour. Ils taillaient les pierres dans un état amoureux pour les charger d’amour. Ils saturaient la matière d’un sentiment d’amour afin que la cathédrale devienne vivante.
« Un soir de 1954 ou de 1955, » raconte Luis Ansa, « Paris a été tout à coup plongé dans le noir. Il y a eu une coupure générale d’électricité. Cette nuit là, par une de ces étranges coïncidences, je buvais une bière avec un ami, dans un café de la rue Saint Jacques, juste en face de Notre-Dame. Et d’un seul coup, paf, l’obscurité complète. Partout. Il n’y avait même pas de phares de voitures pour faire un peu de lumière car, à cette époque, il n’y avait pratiquement pas d’automobiles.
Alors les gens ont commencé à allumer des bougies dans les bars, dans les restaurants, et d’un seul coup, -ô mystère, dans l’obscurité complète de Paris, Notre-Dame s’est mise à rayonner. Uns lumière phosphorescente bleue se dégageait autour de la cathédrale. C’était ahurissant.
On s’est dit: « Ce n’est pas possible ». Les gens autour de nous restèrent tétanisés. Certains s’étaient mis à genoux. Notre-Dame est vivante. Vivante de quoi? D’amour. Il n’y avait pas de lune, aucune lumière. C’était l’obscurité complète. Et l’immense Notre-Dame, avec ses deux tours, était flamboyante. Une lumière violacée se dégageait autour d’elle sur environ deux ou trois mètres. On était pétrifié.
Avec mon ami, nous nous sommes mis à courir, on a traversé le pont, on est arrivé sur le parvis. La lumière nous touchait. Je regardais mon ami, un poète bolivien, et sa chemise était bleuâtre! Il se dégageait une lumière bleuâtre sur environ trous mètres à partir des murs de la cathédrale.
Et puis, « paf », la lumière est revenue. Notre-Dame redevint ce qu’elle était. Cela avait dure environ cinq ou six minutes. le lendemain; il n’y avait pas un seul article dans le journal, mais moi j’ai été profondément marqué.
C’est à ce moment là que le mot amour a commencé à avoir une couleur, une saveur et un poids que je ne connaissais pas. C’est à partir de ce moment là que j’ai également décidé de ne plus rien lire sur l’amour. Je ne voulais pas avoir la version de quelqu’un, je n’avais pas envie qu’on me dise ce qu’était l’amour. Je me suis privé des textes d’alchimie, des textes des mystiques, de tous les textes qui parlaient d’amour parce que je voulais le découvrir en moi-même.
Alors j’ai commencé un voyage à l’intérieur de mon corps, par le sentir. Et j’ai découvert que la vie de mon corps était maintenue par l’amour. Alors d’un seul coup, dans la salive, il y a de l’amour. dans ma respiration; il y a de l’amour. Dans le goût de la cigarette, il y a de l’amour. Dans le baiser que je donne à une femme aimée, il y a de l’amour. Dans le pelage de l’animal, il y a de l’amour. Dans la fleur que je regarde, il y a de l’amour.
Là, j’ai commencé à accepter qu’en toute chose l’amour régnait. Ensuite, quand j’ai lu dans des textes que « l’amour que l’on appelle Dieu est en toute chose » et que c’est lui qui maintient qui maintient ce phénomène incompréhensible qu’est la vie humaine, cela ne m’a pas étonné. »
Extrait de livre « la voie du sentir » de Luis Ansa